Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 23:47

 

 




1er juillet 2007

 

   Itinéraire prévu : du Mékong (Lancang Jiang 湄公), rejoindre
la Salouen (Nù Jiāng 怒江) et la remonter jusqu’au Tibet
(voir les cartes de la vallée du Mékong et de la Salouen).



Yangtsa
- Longdjre - Zhedong La - Bahang Lu

Bahang Lu - Tchrana (via Gongshan ou le col du Halo)

Tchrana - Tongdu La - Gebu - Gesa La - Shu La - Meilishui

 

Cet itinéraire suit les traces des premiers occidentaux ayant essayé d’entrer au Tibet par le Yunnan, j’ai difficilement trouvé des cartes de cette région, ce qui est bon signe : la région n’étant pas touristique et peu accessible, peu de personnes s’y rendent, les villages ne sont donc certainement pas touchés par le progrès. Ce sera la nature à l’état pur ! Autre intérêt à ce parcours : aller voir sur place les fruits de l’œuvre des missionnaires et martyres venus évangéliser les tibétains… Je viens de découvrir à travers plusieurs livres leur histoire passionnante et bouleversante, parallèlement avec l’histoire du peuple tibétain, qui me touche profondément.

Partager cet article
Repost0
2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 23:32

Mercredi 11

         1er jour de marche. Nous avons l’intention de rejoindre Bahang Lu par le Zhedong La, mais en arrivant à Londjre (très beau village, où est passée Alexandra David-Neel lorsqu’elle a voulu entrer au Tibet interdit ; les habitants sont tibétains, tournent leurs moulins à prière, inlassablement.) nous ne trouvons pas le sentier qui longe, selon Gilles, la rivière Lili. Après plusieurs tentatives infructueuses, nous décidons de rejoindre la Salouen par le col du Dokerla.





Parmi les indications sommaires des habitants de Longjre, nous slalomons entre cochons et poules pour enfin trouver le petit chemin qui doit nous mener jusqu’au Dokerla.


Entre 4 et 5 heures plus tard, après avoir longé une rivière aux eaux tumultueuses, traversant tantôt des sentiers forestiers, tantôt des ponts branlants, nous voici arrivées au premier alpage : nous apercevons une vache sur un pont qui mène à une bergerie, nous la suivons, demandons de l’eau chaude à l’homme qui garde son troupeau.

 

Il nous propose spontanément de rester manger et nous offre son toit pour la nuit. Nous n’en demandions pas tant ! Sa bergerie consiste en quatre murs de pierres, un toit en bois, un feu au milieu de la pièce (3 mètres sur 4) et quelques ustensiles. Sans rien nous dire, il nous laisse dans sa bergerie, nous faisons comme chez nous, séchons nos ponchos,… pendant qu’il va traire ses yacks. Une heure plus tard lorsqu’il revient, nous goûtons au thé au beurre de yack, à la baijiu et il nous offre même des baba avec des morceaux de fromage de yack. Notre ventre vide est rassasié après tous ces efforts de marche !




La discussion se poursuit autour du feu qui enfume toute la pièce sombre. Aji vit ici, seul dans cette bergerie, quatre mois par an, de juin à septembre. Il passe ses journées à traire ses yacks, faire du beurre avec le lait, et pas grand-chose de plus. Il est bouddhiste (lamajiao). Nous nous sentons très bien chez lui et décidons d’accepter de passer la nuit ici, ce que nous allons bientôt regretter car après avoir bu sa baijiu, il s’est mis à sniffer une pâte noirâtre qui l’a mis dans un état second… dommage car c’était tellement touchant et agréable de partager un repas avec lui dans sa bergerie. Déçues du personnage, avec qui nous avions commencé à passer une bonne soirée, nous remballons nos affaires… la nuit commence à tomber, mais nous surveillons son attitude et s’il tente quoi que ce soit, nous partons et irons planter la tente autre part. La nuit est mémorable car je ne parviens à m’endormir qu’à 6h du matin, à cause d’un mal de dos terrible qui me fait vomir tout ce que j’ai avalé.

 

         A 8h nous nous levons, et partons direction le col de Dokerla (4600 m). Arrivées au 3ème alpage, nous hésitons entre deux chemins, et prenons le mauvais ! Nous arrivons à un cirque, comme le cirque de Gavarny mais en plus grand. Nous rebroussons chemin en nous disant que nous avons tout de même vu quelque chose de beau… De retour au 3ème alpage, sous un crachin qui ne nous quitte pas, nous nous asseyons sur un rocher entre les drapeaux à prières qui volent au vent.

 
























Partager cet article
Repost0
2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 23:29

    Le col est juste devant nous, à 3h de marche sur une pente sévère. Il est déjà tard, et nos vivres diminuent… Que faisons-nous ?

1 : continuer coûte que coûte, malgré les nuages qui nous cachent le paysage, et malgré le peu de nourriture que nous avons (4 biscuits par jour avec un peu de lait concentré, pendant 3 jours…)

2 : rebrousser chemin, retourner à Yangtsa et faire le tour par la route, ce qui nous prendrait autant de temps dans les transports…

Choix difficile ! car j’ai horreur de rebrousser chemin, mais vu les nuages qui cachent toute la vue, nous optons pour rejoindre Yangtsa à pied (par un autre chemin), puis rejoindre la Salouen en redescendant à Dali par la route.

Ce que nous avions en fait commencé à marcher, c’était l’itinéraire que suivent les bouddhistes lorsqu’ils font le pèlerinage autour du Kawagebo (6700 m), cette montagne qui m’avait fascinée l’an dernier (voir la carte). Mais apparemment, l’été est la saison la moins bonne pour entreprendre ce pèlerinage, à cause de la pluie. Rien n’est donc indiqué, si ce n’est quelques mots en tibétain que nous ne comprenons pas, et rares sont les pèlerins que nous aurions pu rencontrer.

 


        Vers Yangtsa, par le chemin à flanc de montagne qui offre une vue aérienne de Longdjre, le panorama est saisissant ! Nous montons, toujours et toujours plus haut… Les drapeaux à prières tibétains nous confirment que nous sommes sur le bon chemin, et soudain, le Mékong apparaît à nos yeux ! A chaque nouveau versant, nous nous attendions à le voir apparaître… mais la montagne nous réserve souvent des surprises, nous ne savons jamais ce qui se cache derrière chaque versant. Quoi qu’il en soit, la vue est magnifique, nous apercevons aussi en contrebas la rivière Lili qui aurait pu nous mener à Bahang Lu, mais nous sommes bien mieux là-haut, sur ces hauteurs, qu’encastrées au fin fond de la vallée, et ne regrettons nullement notre choix.

 

Tout comme la montée, la descente vers le Mékong est raide. Il commence à faire noir, et comme nous apercevons quelques maisons, nous décidons de nous y arrêter. Nous reprendrons la route demain matin jusqu’à Yangtsa. Il faut dire que nous avons marché, aujourd’hui, pendant 13h avec seulement 3 pauses de 20 minutes, et après une courte nuit (2h pour moi et peu aussi pour Caro !). Nous allumons une lampe frontale, et arrivons au village, des gens sortent en nous voyant, ont l’air heureux de nous voir, et deux jeunes filles nous proposent d’entrer chez elles pour manger et passer la nuit. Très reconnaissantes de cette hospitalité, nous les suivons à l’intérieur, et là, dans une grande pièce sombre où une grand-mère coiffée du turban tibétain fuchsia fait tourner son moulin à prière, nos deux jeunes hôtes nous offrent… un bol de riz blanc et de l’omelette ! Notre premier repas de la journée… nous l’apprécions ! Après être rassasiées, nous discutons du pèlerinage autour de Kawagebo, étudions des cartes, parlons du chemin et du temps nécessaire pour rejoindre Yangtsa demain matin. Nous apprenons que nous nous sommes justement arrêtées à Yongjiu, le premier village où passent la plupart des pèlerins.

Bian Ma Qu Zong a déjà un petit garçon, elle paraît pourtant si jeune ! Elle nous mène ensuite à l’étage, ouvre une porte, et là : deux lits nous attendent ! Quel bonheur ! Nous avons aussi la chance de pouvoir nous laver, la douche est une cabane en bois remplie de plantes vertes et éclairées d’une guirlande de Noël… original ! Comme dans toutes les maisons tibétaines, il n’y a pas de toilettes, il faut aller dans le champ de maïs derrière la maison… après tout, ça fait de l’engrais…


      Les maisons tibétaines sont souvent très colorées et bâties autour d’une cour fermée, où se promènent poules, cochons, et parfois des chiens.


 

Après une petite prière avec Caro pour clôturer la journée, nous sombrons dans un sommeil profond et partons le lendemain matin, pour la dernière ligne droite vers Yangtsa, au bord du Mékong. Ci Li Zhuo Ma nous accompagne un peu pour nous montrer le chemin. Avant qu’on ne parte, Bian Ma Qu Zong m’a bien dit et redit que si un jour nous repassons dans le coin, elle nous attend. Et que si nous avons des amis qui veulent faire le tour du Kawakarpo, ils peuvent s’arrêter chez elles.

Partager cet article
Repost0
2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 23:26

Arrivées au pont de Yangtsa après 1h30 de descente raide, nous attendons le bus pour Weixi que nous arrêterons en route. Ainsi, à Weixi nous prendrons le bus pour Dali, et à Dali, le bus pour Gongshan, au bord de la Salouen. De Gongshan nous pourrons nous rendre à Bahang Lu. Toute cette route pour finalement arriver à Bahang Lu ! Ces 30 heures de transport nous font descendre le Mékong puis remonter la Salouen, ils passent finalement vite et ces deux fleuves nous impressionnent par la puissance de leur courant. Par endroits, on dirait une mer agitée par la tempête ! Des multitudes de rivières se jettent dans ces deux fleuves aux eaux marrons. Jamais je n’ai eu autant d’émerveillement pour un fleuve. Leurs eaux impétueuses se fracassent sur les rochers de façon spectaculaire. Ici et là, des ponts suspendus font le lien avec l’autre rive. Parfois, ce sont des cables que les gens utilisent comme des tyroliennes pour se rendre de l’autre côté.

 

 

 



           De Weixi à Dali, nous sommes allongées au fond d’un bus couchettes (54 couchettes !) à côté de chinois qui fument. Le trajet est mémorable, on essaye de se caler comme on peut malgré les secousses, tout en admirant la tombée de la nuit sur le fleuve.

Nous arrivons à Dali à 4 h du matin, nous rendormons et 3 h plus tard, nous réalisons qu’il est déjà 7 h et que tout le monde est sorti. Je me précipite vers les guichets de la gare en espérant qu’on puisse attraper un bus pour Gongshan aussi tôt que possible, pendant que Caro rassemble nos affaires.

Au guichet, je saisis difficilement ce que la dame essaye de me dire… notre voisin de bus est là et me dit qu’il a vu Caro monter dans le bus jaune. Se serait-elle trompée en croyant me suivre ? Nous voilà bien ! Après bien des discussions animées avec notre voisin et des recherches pour retrouver Caro, et des difficultés à comprendre ce qu’on me dit, je retrouve Caro, soulagée… Je comprends finalement qu’il faut rejoindre une autre gare pour prendre un bus pour Gongshan. J’ai souvent l’impression, en Chine, d’être dans un jeu de piste, dans un monde mystérieux où tout est codé : pour trouver le bon bus, ou n’importe quel autre renseignement, il faut essayer de déchiffrer un minimum de caractères chinois, je prends ça comme un jeu, mais ça devient parfois oppressant. Quoiqu’en règle générale, ça me plait. Pareil pour la langue, il faut essayer de rassembler les quelques détails que l’on saisit dans la conversation pour comprendre le sen de la phrase. Les chinois en général sont indulgents et patients.

Comme il n’y a plus de place dans le bus direction Gongshan qui part ce soir, nous tentons le bus pour Liuku. Nous avons bien fait car à Liuku (la dame anglaise qui connaît tout le monde : bizarre ; le bol de riz dans le bus), nous attrapons un bus pour Fugong (où nous sommes bien tentées de rester, semble très agréable, achat de fruits et un cookie et biscuits) et à Fugong nous négocions une fourgonnette pour Gongshan (chauffeur qui maîtrise, très rapide même dans les villages, le gars torse-nu à côté… enfin, des chinois qui parlent ! En règle générale, les chinois sont calmes et silencieux, dans le bus de nuit par exemple, pas un bruit, nous étions les seules à parler. Par contre quand ils parlent, ils parlent fort.).

 

A Gongshan, nous sommes heureuses d’être là, ce soir. Nous dormons au Shandan, l’hôtel recommandé par Gilles, agréable après une courte nuit dans le bus. Le lendemain nous allons à Bahang Lu où la chance nous sourit incroyablement…

 

 

Au moment où j’écris, je suis à Tsawalong (Tchrana), où nous faisons une halte car un orage nous empêche d’avancer. Au moins, ça me permet de mettre à jour ce carnet de bord, bien que ce soit loin d’être fini. Je reprendrai plus tard.

 

 

 

Mardi 31 juillet

 

         Le temps passe, je suis à Kunming, et il est grand temps que de relater les évènements de Bahang et notre passage au Tibet.

 

         Nous en étions donc à Gongshan. A l’hotel, difficile de prendre une décision : nous venons de passer une trentaine d’heures dans des bus, et pour aller à Bahang, il faut reprendre un bus pour Dimaluo pendant 4h, puis marcher pendant une ou deux heures. La seule raison qui me pousse à y aller est la présence d’une église et d’une communauté catholique dans ce village. Des tibétains catholiques ! C’est aussi l’envie d’aller voir l’œuvre des missionnaires qui ont vécu là et de marcher sur leurs traces. Depuis que j’ai lu le livre de Constantin (Les peuples oubliés du Tibet), j’ai ce désir profond de m’y rendre, coûte que coûte. Mais voilà : Caro ne connaissant pas l’histoire passionnante des missionnaires venus dans cette région isolée du Yunnan, elle ne voit pas bien l’intérêt de faire toute cette route juste pour voir une église. Je me dis qu’en effet, ce désir est peut-être simplement un caprice de ma part, et, après un grand effort intérieur, je lui propose de laisser tomber Bahang Lu et de continuer notre marche le long de la Salouen. Et là, contrairement à ce à quoi je m’attendais, elle me répond : « Non, je sais que tu as vraiment envie d’y aller, on y va ! » Je ne la remercierai jamais assez !

 

Partager cet article
Repost0
2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 23:20

     A Gongshan, difficile de trouver une fourgonnette qui accepte d’aller jusqu’à Dimaluo, car selon eux « lu bu hao ! » la route n’est pas bonne. On va vite comprendre !


 




                                                           



On traverse un pont suspendu, on longe un précipice sur une route plus que mauvaise. Arrivées sur la place du village de Dimaluo et après avoir relu quelques passages du livre de Constantin,
on marche pendant 2h vers le sommet d’une montagne où doit se trouver le village.

 


       




          Sur ce sentier, une rencontre fortuite : deux chinois qui parlent anglais sont là, une énorme caméra à la main, et nous regardent d’un air ébahi.

“Hello !! What are you doing here ?!!”

“Er... good question !... We heard about that village so we just wanted to come and see. But what are YOU doing here ?”

         Ils nous expliquent qu’ils travaillent pour la chaîne nationale de TV « culture and geography », et qu’ils sont ici pour quelques jours pour faire un reportage sur les coutumes de ce village et sur leur église. Leurs collègues sont déjà venus pour filmer en 1999 et en 2001 et ont déjà recueilli pas mal d’infos. Le tout sera résumé dans leur reportage.


        
Ils nous mènent dans une cahute en bois où habitent Gadana et sa famille, de minorité Lisu et Tibétaine.

         Grâce à Li Jiao et Yin Ji Yao, nous pouvons avoir des discussions plus riches que d’habitude car ils nous traduisent en anglais. Nous sommes accueillies comme des reines car nous sommes catholiques ! et aussi parce que nous sommes étrangères. Apparemment, à part quelques malaisiens venus ici il y a quelques mois, nous sommes les seuls étrangers à être arrivés à ce village cette année. La maison de Gadana se remplit, les villageois nous regardent, on se serre autour du feu.

 

        Je montre le livre de Constantin à Gadana en lui demandant si elle connaît un certain Ame qui habite ici. En voyant la photo du livre, elle s’exclame que oui elle le connaît et quelques minutes plus tard, le voilà qui arrive ! S’ensuit une conversation animée sur l’histoire du père André, de Shi Guanrong, de la famille de Zacharie,… Ame nous emmène à l’église, nous partons tous ensemble (quand nous étions arrivées, elle était fermée à clé) et poursuivons la discussion dans l’église : tout coïncide bien avec ce qui est écrit dans le livre. Gadana, d’abord admirative de nous voir arrivées à deux jusque Bahang, semble aussi très heureuse de voir qu’on connaît un peu l’histoire de la mission de Bahang Lu.


Dans les villages alentours, il y a six autres églises. De Bahang, on peut apercevoir celle de Alouka et celle de Xiang Gong.

 

        Nous rentrons chez Gadana et passons le reste de la journée dans la pièce principale, sombre et enfumée. Dehors il fait gris et il pleut. Nous nous sentons presque déjà chez nous. Toute la famille semble avoir un sacré caractère :

° Ah Gu Din, le frère aîné. Sa femme est décédée peu après la naissance de Joseph, qui a maintenant 4 ans et qui nous fait bien rire !

° Lian, Paul et John, les trois autres frères, et Nana, 17 ans (Liang Xiao Hua).

° Et le meilleur pour la fin : Grandma (Ayi), 80 ans, coiffée du turban fuchsia des femmes tibétaines. A notre arrivée, elle nous demande pourquoi nous nous sommes rencontrés ici. Li Jiao répond que c’est le yuanfeng (la chance). Je crois pour ma part à la Providence, que l’ignorance ou la pudeur appellent le hasard, comme le dit si bien Constantin.

 

         Après avoir goûté  à la shuijiu, la bière des Lisu, à base de ma¨s fermenté, nous testons la baijiu aux crevettes. La shuijiu est la boisson de base des Lisu et ils en boivent à longueur de journée. Gadana nous dit tout naturellement que Nana, sa fille, est partie se coucher parce qu’elle est bourrée. Quant aux autres, la quantité de shuijiu qu’ils boivent ne leur fait aucun effet !


        
Le soir, nous mangeons autour de la petite table carrée à côté du feu, Caro se débrouille de mieux en mieux avec les baguettes ! Et nous goûtons une nouvelle spécalité, non moins écoeurante : le xiaka (?). C’est une sorte d’alcool avec du beurre de yack, avec un morceau de viande au fond du bol. Li Jiao nous avait prévenues que nous en aurions certainement droit !

 

          Après une partie de cartes où Gadana s’en donne à cœur joie et me fait gagner à tous les coups (un genre de trou du c’ version chinoise) nous allons nous coucher. Ils nous demandent si nous avons des sacs de couchage et paraissent gênés de nous dire que leurs draps ne sont pas très propres. Nous leur assurons qu’il n’y a pas de problème. J’espère juste au fond de moi qu’il y aura moins de puces que lors de la dernière nuit chez les tibétaines à Yongjiu.

Partager cet article
Repost0
2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 23:18

Après une bonne nuit de sommeil (et pas de puces !) au-dessus de l’étable des chevaux (on les voit à travers le sol entre les planches : chauffage naturel !), nous prenons le ptit-déj autour du feu.

 

Au menu : tsampa (farine d’orge et de maïs qu’on avale avec une gorgée de thé), thé au beurre de yack (suyo cha), pommes de terre au feu, baba.

 

Le thé au beurre, c’est tout simple : on met un morceau de beurre de yack dans le tube en bois, puis de l’eau chaude sur le thé, qui coule dans le beurre. Puis on mélange d’une façon particulière, et c’est prêt.

       Nous discutons des animaux du zodiac chinois, et j’apprends que les vacances du nouvel an chinois ne sont pas reconnues par le gouvernement car elles n’ont pas de rapport avec le calendrier solaire ; je les croyais pourtant officielles, en plus de la semaine du 1er mai et de la semaine de la fête nationale en octobre. Nous reparlons du père André (missionnaire à Bahang Lu jusqu’en 1953, date à laquelle les communistes l’ont emmenés de force). Le père de Grandma était en fait son assistant, elle nous montre une vieille photo en noir et blanc et nous dit qu’il a aidé le père André quand le gouvernement a voulu l’emmener.

 

Marie et Jeanne, dont parle Constantin dans son livre, sont les filles du cousin de Gadana. Maintenant elles travaillent à l’usine, et habitent de l’autre côté de Gongshan.

 

         Ce matin, c’est dimanche. Il y a donc la messe à Bahang Lu. Quelle chance d’être justement ici un dimanche ! Pour la première fois, je vais pouvoir assister à une messe en Chine sans avoir à être cachés. Les villageois se retrouvent sur le terrain de basket à côté de l’église, qui est en fait la place du village. Et là, c’est le grand ménage : tous se courbent en deux pour ramasser les déchets qui traînent. Cette habitude de rendre propre le village avant d’aller à la messe fut-elle mise en place elle aussi par un missionnaire ? Ce ne serait pas étonnant. A l’intérieur de l’église, sur la gauche, de vieilles dames sont déjà assises. Leur tablier multicolore témoigne de leur appartenance à la minorité des tibétains, il y a aussi des lisu. Sur la droite, ce sont les hommes.

 

         La cloche sonne. Hommes, femmes, enfants arrivent, se signent et s’assoient. Nous reconnaissons quelques villageois. Les regards cessent de nous fixer pour se tourner vers le chœur. Je savoure ce moment de prière ici, dans la petite église de Bahang Lu, entourée de gens si différents et pourtant si semblables, et je rends grâce à Dieu de m’avoir menée jusqu’ici. Cette ferveur véhémente de leur foi me remplit d’émotion. Bien sûr, nous ne pouvons pas avoir d’eucharistie, car cela fait bien des années qu’il n’y a plus de prêtre. […] La communion ici est réservée aux malades et aux mourants. Et ils peuvent communier aussi à Noël et à Pâques. Les lectures sont faites par des villageois et l’homélie par Ame. Pendant la messe, les enfants rentrent et sortent comme ils le souhaitent.

 

         Après la messe, je demande à Ame si on peut aller dans le presbytère. C’est là qu’a habité le père André, et selon Constantin il y aurait encore des livres lui ayant appartenu, dans une vieille malle.

 

Partager cet article
Repost0
2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 23:13

      Nous suivons Ame, toujours accompagnées de Gadana, Li Jiao et Yin Ji Jiao (qui filment tout !) et découvrons, en effet, la fameuse malle renfermant des livres traduits en tibétain, un vieux livre en français sur la mortification des chrétiens (à en lire un passage, je comprend que les missionnaires étaient prêts au martyre…).

Dans la malle on trouve aussi toute une collection des magasines de l’Illustration datant des années 1920. Il y a 8 ans, Constantin en feuilletait les pages sur le balcon de la mission. Il y a plus de 80 ans, c’est l’explorateur André Guibaut qui les découvrait avec une certaine émotion. Il a écrit : « J’ai découvert dans le placard une collection de l’Illustration des dix dernières années, j’ai l’impression de feuilleter un livre d’histoire : ces choses, ces évènements, ces visages auxquels je me suis intéressés me sont à présent extérieurs ; ils sentent bon, du reste ; une sorte de parfum fané que je ne déteste pas. »

 

Nous prenons un dernier repas tous ensemble dans la pièce enfumée. Nous avons même droit à un plat de courgettes ! Est-ce parce que nous sommes là ou parce que c’est dimanche ? Nous ne le savons, mais peu importe, nous nous régalons !

         Nous comptions rejoindre Bingzhongluo par le col du Halo, en marchant. Mais Li Jiao nous dit qu’à cause de la pluie c’est trop dangereux. En passant par Aloulaka, c’est à 10h de marche. Et on ne pourrait rien voir des paysages car il pleut encore. Nous allons donc redescendre à Dimaluo, et de là, un ami de Gadana nous conduira en fourgon jusque Bingzhongluo.

         Gadana nous propose de rester un peu plus longtemps. Elle emmène justement cet après-midi Li Jiao et Yin Ji Jiao dans les pâturages pour qu’ils filment ses chevaux, et pour aller les nourrir. Ils vont passer la nuit là-bas et revenir le lendemain. J’aurais beaucoup aimé accepter, mais je sais que Caro n’est pas forcément intéressée par les chevaux, et en plus on n’aurait peut-être pas le temps d’aller ensuite au Tibet si on décidait de rester. Malgré tout j’aurais aussi aimé rester pour faire le tour des six églises dans les villages proches. Mais il y a une fin à tout ! Nous disons au revoir à nos amis du week end, à cette famille au caractère bien trempé mais au cœur si accueillant et à l’histoire passionnante. Nous espérons revoir Li Jiao et Yin Ji Jiao à Kunming, pour qu’ils nous racontent la suite de leurs aventures et pour visionner ce qu’ils ont filmé.

 

Après une photo tous ensemble, nous attrapons nos sacs à dos, mettons nos ponchos, et marchons jusqu’à Dimaluo. Là, est censé nous attendre l’ami de Gadana dans son mianbao che. Je passe l’épisode de l’attente à Dimaluo, pas très intéressante mais surprenante et mémorable (!).


          Dans le fourgon, derrière l’ami de Gadana et sa fille, et à côté du cow boy, nous repassons le pont, le cow boy nous quitte, et nous tournons à droite direction Bingzhongluo, cette ville qui ressemble à une ville du Far West selon les indications de Gilles. De là, nous monterons dans un camion qui nous amènera à Tsawalong (Tchrana). Et de Tchrana nous rejoindrons Deqin à pied en 4-5 jours (partie du pèlerinage autour du Kawagebo, la plus belle selon Gilles).

Partager cet article
Repost0
2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 23:08

     Juste avant d’arriver à Bingzhongluo, notre chauffeur nous dit de descendre et de nous cacher derrière, sous la bâche, sinon nous devrons payer 50 yuans chacune. Nous ne comprenons pas tout. Serait-ce déjà la frontière tibétaine ? On la croyait pourtant plus loin. On fait ce quil nous dit. A travers les petits trous de la bâche, je vois défiler le paysage, puis des bâtiments rouges, puis à nouveau le paysage. Cinq minutes plus tard, on s’arrête, et on reprend notre place. On n’en sait pas plus. Mais on commence à avoir l’habitude de ne pas tout comprendre à ce qui nous arrive…

 

 

A Bingzhongluo, la fille de notre chauffeur qui habite la maison jaune en arrivant sur la droite, nous dit de passer chez elle quand on veut. Nous nous rendons pour l’instant au super hôtel dont nous a parlé Gilles. En effet, il l’est ! Nous prenons notre temps (enfin !), nous promenons dans la ville, allons sur internet dans un cyber pour donner des nouvelles à la famille en France. On se rend d’ailleurs compte que hier c’était le 14 juillet !

         Bingzhongluo est une ville construite de chaque côté d’une rande rue, ce qui donne en effet un style un peu western. Au bout de la rue, il n’y a plus rien. Ou est la route ? Peut-être un peu plus bas, on verra demain. Demain on prévoit de laisser nos affaires ici et de marcher jusqu’à la lamasserie de Tchamoutong, qui comptait         moines tibétains auparavant mais plus que 5 en 1999. près de là se trouve Zhongde (Zhongding), nous essaierons de trouver la mission ainsi que la tombe du père Genestier.

 

         Changement de programme. Et quel changement ! Ce même soir, alors que nous discutons avec Peter, un belge qui travaille à Pékin et qui cherche à acheter un cheval pour rejoindre Lhassa en deux mois, nous apprend qu’il n’y a plus de route vers Tchrana, à cause d’éboulements de pierres qui l’ont condamnée. Nous voilà bien ! Mais nous voulons coûte que coûte entrer au Tibet, tant pis si on doit laisser tomber la rando de Tchrana à Deqin, ce serait déjà bien si on réussissait à atteindre Tchrana.

         Commencent alors de grands débats sur la façon de s’y rendre. Je vais chercher le petit garçon qui paraît-il a des infos intéressantes. On discute, on fait des plans, on anule tout, on recommence, on marchande. Finalement, le petit garçon me présente un gars qui a des chevaux au bout de la rue. C’est convenu qu’on parte demain matin avec lui vers Longpu et un cheval portera nos bagages. Longpu c’est le deuxième village tibétain après la frontière, le premier étant Songta.

         Rendez-vous est donné demain matin à 8h30, nous lui donnerons 70 yuans en échange de ses services. Je retourne au bar pour expliquer à Caro et Peter ce qu’il en est. Peter quand à lui va avec le gars du bar vers Dimaluo pour acheter un bon cheval. Nous supposons qu’il s’agit des chevaux de Gadana à Bahang. Il reviendra ensuite à Bingzhongluo d’où il commencera son périple de deux mois avec son cheval pour porter ses affaires. Nous le croiserons certainement en route car, une fois arrivées à Longpu, nous reviendrons à pied ou en moto à Bingzhongluo par le même chemin (c’est la seule possibilité).

 

Après une nuit réparatrice, bien que courte encore car avec tout ça on s’est encore couchées tard, nous voilà dans la rue avec Limaguji et non pas un mais cinq chevaux, chargés de sacs d’on ne sait quoi. Il est accompagné de Naje et Jama, deux tibétaines d’environ 35 et 12 ans. Nous sommes fin prêtes ! En route !

Partager cet article
Repost0
2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 23:03

Lundi 16 juillet

 

         Au moment où j’écris, je ne sais pas si on est au Tibet ou non. La frontière est quelquepart ici, mais on ne sait pas où exactement. L’a-t-on déjà passée ? A Bingzhongluo, nous comptions monter dans un camion en direction de Tchrana (Tsawalong) mais on a appris hier soir que depuis deux mois, il n’y a plus de route, à cause d’une avalanche (ou d’éboulements ?). Hier soir, on a donc réfléchi aux différents moyens d’arriver au Tibet : à pied, à cheval ou en moto. Louer une moto revenait cher, on a opté pour faire porter nos sacs par un cheval. Donc ce matin nous retrouvons Limaguji, et surprise, il est accompagné de sa mère et de sa petite sœur, et de non pas un mais cinq chevaux. C’est parti ! Direction le Tibet ! Par la route qu’ont empruntée les explorateurs Jacques Bacot, Alexandra David-Neel, Louis Liotard et André Guibaut… pour entrer au Tibet interdit.


Nous longeons la Salouen pendant 3h45 dans de belles gorges, puis nos trois tibétains s’arrêtent sous un pont où coule un ruisseau qui se jette dans la Salouen.









          Nous avons réalisé en route que finalement nous avons plus d’une journée de marche pour atteindre Longpu, le deuxième village du Tibet. Je n’ai même pas pensé à demander hier soir combien de temps il nous faudrait marcher. Notre halte du midi nous permet de nous revigorer et de manger les quelques biscuits et nougat que nous avons achetés ce matin. Nos trois tibétains sont bien organisés : pendant que Naje va chercher du bois, Limaguji décharge les chevaux et la petite Jama l’aide Nous faisons de même. Puis Limaguji allume un feu, pendant ce temps Naje va remplir sa marmite avec l’eau du ruisseau, puis la met sur le feu. Pendant que l’eau chauffe, ils referrent quelques chevaux.

 

Puis nous nous rapprochons du feu car ils nous invitent à partager leur repas. Ils nous offrent un liquide qui ressemble à un mélange de beurre de yack avec de l’huile, difficilement buvable je trouve, mais en y ajoutant de la tsampa c’est meilleur. J’essaye tant bien que mal à faire une boule avec ce liquide et la farine de maïs et de blé (tsampa). Ma maladresse les fait bien rire. Naje profite du ruisseau pour se laver, et nous nous rafraîchissons les pieds dans l’eau… quel bien-être ! et c’est reparti, nos trois tibétains rechargent les chevaux et  nous continuons notre marche le long de la Salouen pendant 4h15.

 

Les paysages sont beaux, le ciel est bleu avec peu de nuages, et nos jambes se portent à merveille, nous nous sentons si légères ! De temps à autre, nous croisons des chevaux qui vont, eux, à Bingzhongluo.


          Vers 7h, alors qu’il fait beau et encore clair, nous note petite famille s’arrête sur le chemin au bord d’un précipice. Ils déchargent les chevaux ! Ils comptent dormir ici ! Pourtant, Songta, le premier village tibétain, est à 1h d’ici seulement.

 

 Mais après tout, pourquoi pas dormir ici, c’est si beau et ils vivent dans une telle harmonie avec la nature… Nous avons de la chance d’être avec eux. Ils trouvent un coin pour les chevaux, allument un feu, nous les aidons à déplacer les sacs desquels étaient chargés les chevaux. On est si bien ici, je savoure ces moments éphémères au plus profond du Yunnan. Nous nous sentons bien avec eux, leur affabilité me laisse perplexe. Leur simplicité et leur façon de se débrouiller dans la nature me touchent beaucoup et m’émerveillent.

        
        Je suis auprès du feu, assise sur un coussin que m’a donné Limaguji, Caro est à côté et écrit son carnet de bord aussi, d’ailleurs elle m’a piqué une phrase : « leur affabilité me laisse perplexe ». Naje vient de me tendre un morceau de porc salé, ça fait du bien de manger un morceau de viande. Peut-être aurons-nous encore de la tsampa ?

 



       Demain, nous marcherons jusqu’à Longpu, juste avant ce sera Songta, le premier village tibétain après la frontière.

Partager cet article
Repost0
2 août 2008 6 02 /08 /août /2008 22:59

(Songta --> Tchrana)

Jeudi 2 août

 

         Je suis à Kunming, toujours dans la petite chambre de Pauline. Dehors, il pleut des cordes. Je viens de descendre acheter des erkuai et cela a suffit pour que je sois trempée… la mousson aujourd’hui est impressionnante ! Je n’ai jamais vu tant de pluie tomber, à part en Inde. Je pars normalement demain après-midi de Kunming pour aller à Shanghai, il faut que j’achète mon billet d’avion. Mais pour l’instant, il me reste à terminer le récit de notre passage au Tibet…

 

         Après cette première nuit au bord de la falaise, et pendant laquelle les chevaux ont bien remué, nous levons le camp dès l’aube. Nous atteignons Songta, puis Longpu. Le soleil tape.


A Longpu, Limaguji nous apprend que lui et ses deux compagnes continuent jusqu’à Tsawalong, plus au nord. Nous décidons de continuer avec eux, d’autant plus qu’il nous assure qu’on peut y être avant la nuit et que de là, on peut voir le Kawagebo.


      Pendant 3h nous continuons de longer la Salouen qui coule en contrebas sur notre gauche. Puis nous arrivons à un énorme rocher où nous nous éloignons du fleuve pour le retrouver un peu plus loin.

Nous nous arrêtons sur le chemin pour manger et pour décharger les chevaux et les laisser brouter dans un petit pâturage.

Comme d’habitude, le même rituel : aller chercher du bois, le couper à la machette, faire le feu, remplir la marmite de piment et de gras de porc, ce mélange qui sent si bon mais que nous ne pouvons avaler. Naje sort le riz froid, cette fois, je n’ai pas le courage d’aller chercher deux morceaux de bois pour en faire des baguettes, je me contente de mes mains. Caro réussit à manger un peu de riz, quant à moi j’ai du mal à l’avaler. Limaguji me propose un morceau de gras de porc emballé, donc sans piment.


              Je me découpe quelques morceaux à la machette et me régale ! J’essaye de ne pas trop en manger, pour leur en laisser quand même, et leur rends le paquet, mais ils me disent que si je n’en veux plus maintenant, je peux le garder avec moi pour le manger plus tard. Pas la peine d’insister, je saisis la machette et engloutis le reste. Je ne pensais pas pouvoir manger un jour un tel morceau de gras avec autant d’appétit ! Mais il m’a semblé si bon ! Me voilà rassasiée. La tsampa est bien utile pour enlever la graisse qui dégouline de mes mains.

 


        
Après une bonne heure de marche, nous arrivons devant un pont cassé, remplacé par un petit pont instable sur lequel nos cinq chevaux ne pourront pas passer.


        Nos trois tibétains sont très débrouillards, mais cette fois, je me demande bien comment ils vont faire. Même en déchargeant les chevaux, cela paraît impossible. On ne peut pas non plus traverser à gué à cause du courant et de la profondeur de l’eau. Caro les attend sur une pierre, pendant que je traverse le petit pont pour aller chercher à boire de l’autre côté, nous avons tellement soif ! 1h plus tard, j’aperçois Limaguji de mon côté du pont ! Je fais de grands gestes à Caro, elle nous rejoint, Lima nous dit de le suivre et pendant 1 ou 2h, nous marchons à vive allure (traversée du pont des vaches) jusqu’à ce que nous rattrapions Naje, Jama et les chevaux. Comment ont-ils fait ?? Y avait-il un autre pont ? Nous avons beau réfléchir, nous ne comprenons pas. Et mon niveau de chinois trop faible ne nous aide pas beaucoup. Cela restera un mystère, nous essaierons de l’élucider à notre retour lorsque nous repasserons par là.


        
Au pont cassé, un homme m’a dit que Tsawalong était à 10h de marche. L’après-midi est déjà bien avancée… Je demande confirmation à Lima qu’on sera bien à Tsawalong ce soir. Il nous dit qu’il ne reste plus que 2h de marche.



        
Nous marchons à présent parmi les cactus. Le ciel est bleu par endroits. Caro m’épate par son endurance, je n’arrive pas à la suivre dans les côtes. Naje s’arrête dans un village et nous rejoint avec un bidon de thé au beurre de yack, moins bon que d’habitude mais appréciable par cette chaleur.
      Soudain, alors que nous longions la Salouen sur un sentier à flanc de montagne d’à peine 50 cm, un cheval dérape, et entraîné par son chargement, il glisse. Va-t-il tomber dans le ravin ? Que faire ? Vite, il faut détacher la sangle. Je n’y parviens pas. Je crie à Caro de se reculer car le cheval peut lui tomber dessus en essayant de s’en sortir. Naje, avec un courage immense pour sauver son cheval, se laisse glisser dans le précipice. Sa fille Jama hurle de peur. Je crains moi aussi de la voir dévaler la falaise avec

le cheval. Elle parvient à s’arrêter au milieu de la pente, et maintient son cheval de toutes ses forces au niveau de la croupe. Le temps est compté, elle ne tiendra pas longtemps et je ne parviens toujours pas à détacher la sangle, ce qui permettrait au cheval de retrouver sa position normale et de ne pas être déséquilibré. Mais pas moyen. Je tombe sur un cactus. Je cours chercher Lima et lui dit de se dépêcher car un cheval est tombé. Il me laisse son cheval, court, et sauve la situation ! Soulagement collectif… personne n’est tombé à l’eau, ni le cheval ni Naje (et mon sac est sauvé aussi par la même occasion, je le voyais déjà dévaler la pente…).

 

Après cet incident, nous nous attendons à voir apparaître Tsawalong à chaque nouveau tournant, mais en vain. Lima nous assure qu’il reste moins d’une heure.


    La nuit tombe. Nous marchons, marchons, marchons. Je suis épuisée. Mes forces me quittent, je mets un pied devant l’autre machinalement, en me disant qu’il suffit de faire ça jusqu’à ce qu’on arrive. A 23h30, ça fait 5h que Lima nous dit qu’il reste moins d’1h. Caro tient bon, moi je me dis qu’heureusement que j’ai un bon morceau de gras dans le ventre pour tenir le coup. Naje et Jama nous ont quittées, nous ne comprenons pas, où sont-elles ? Nous marchons avec Lima et les deux chevaux le long d’une petite cascade, il n’y a pas de chemin, il fait noir mais nous avons nos lampes. Au loin, pas de lumière en vue, seules les formes noires des montagnes imposantes. Où est Tsawalong ?? N’était-ce pas le village que nous venons de passer ? Nous aurions dû nous y arrêter pour y passer la nuit. Je n’ai qu’une envie : m’arrêter là, sortir mon sac de couchage et m’allonger n’importe où ici sur ces cailloux à côté de l’eau. Cela fait 15h que nous marchons. Les chevaux ne veulent plus avancer. Lima nous dit que les chevaux sont épuisés et qu’il fait s’arrêter là. Qu’est-ce qu’on est venu faire dans cette galère ? Caro tient à monter la tente. On se couche. Lima dort dehors à côté des chevaux, il a grimpé dans l’arbre pour leur attraper du feuillage. On n’a même pas mangé ce soir. Caro sort des biscuits, j’en avale un pour dire d’avoir quelquechose dans le ventre. Et enfin, je peux dormir.

 

         Le lendemain matin, dès l’aube, on marche encore 1h30. On comprend tout : en fait, Lima voulait nous amener jusqu’à chez lui pour nous montrer sa maison. Et de chez lui, on est plus près du Kawagebo que si on s’était arrêtées à Tsawalong, le village où on était passé vers 22h la veille. Mais nous ne lui avions pas précisé qu’aujourd’hui, on ne peut pas continuer à marcher vers le nord car il nous faut redescendre la Salouen pour retourner à Bingzhongluo. Quant à Naje et Jama, on s’est toujours demandé si elles étaient sa mère ou femme et se fille ou sœur, mais il s’agit certainement de deux villageoises habitant à Tsawalong, qui ont profité de faire la route avec lui, ce qui explique qu’elles nous aient quitté hier soir, avec les trois chevaux qui leur appartiennent. Lima fait cette marche de Bingzhongluo/Tsawalong tous les 5 jours (!!), il aime beaucoup marcher. Il me touche beaucoup. Il semble fier de nous faire entrer dans sa maison.














      Il ne sait pas que de nos yeux d’occidentales, elle nous paraît plutôt rudimentaire. Au rez-de-chaussée, il y a des cochons, beaucoup de porcelets, des poules et des mules, il faut slalomer entre eux sans écraser de porcelet au passage, pour arriver à l’escalier raide qui mène au palier, puis à la salle principale avec le feu et les meubles décorés, à la tibétaine, et en haut c’est le toit, plat, d’où nous avons une vue sur le village et où nous devinons aussi le vrai Tsawalong, au loin, derrière les montagnes.



 

         Nous passons la matinée chez lui où on nous offre de l’eau chaude et à manger, il nous emmène au temple sur notre demande. Les gens sont stupéfaits de voir deux étrangères, nous faisons encore l’attraction de la journée. A l’intérieur du temple, les tibétains font tourner les moulins à prière, de toutes tailles.

Partager cet article
Repost0